Le cycle menstruel et le désir sexuel

Elsa Dubroca
,
Sexothérapeute
,
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8/10/2024
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7 min
Sexo

Est-ce que le cycle menstruel affecte la libido ? Comment les hormones impactent-elles ma libido ? A quel moment du cycle la libido est-elle la plus élevée / la plus faible ?

Commençons par nous intéresser à ce qui se passe au sein de l’organisme durant le cycle menstruel.Ce dernier se découpe en trois phases :

  • Phase folliculaire (avant la libération de l’ovule)
  • Phase ovulatoire (libération de l’ovule)
  • Phase lutéale (après la libération de l’ovule)

Le début du cycle menstruel est déterminé par le saignement menstruel (menstruation), qui marque le premier jour de la phase folliculaire.Au cours de la phase folliculaire, les taux d’œstrogène et de progestérone sont bas. La couche de la muqueuse utérine qui s’était épaissie (appelée endomètre) se détache si l’ovule n’a pas été fécondé. Elle est évacuée avec le sang menstruel.Le corps humain relance ensuite le processus afin de pouvoir préparer une éventuelle nouvelle grossesse.Cela commence par la préparation d’un nouvel ovule. Les ovules sont conservés dans des poches de liquide appelées follicules. Vous allez donc sécréter une hormone, appelée hormone folliculo-stimulante (FSH), qui va permettre le développement de ces fameux follicules. Entre 3 et 30 follicules vont se développer au cours de cette phase, mais il n’y en aura qu’un (appelé follicule dominant) qui atteindra l’étape finale de son développement. Et c’est ce follicule dominant qui déclenchera la production d’oestrogène. Au terme de sa croissance, le follicule libèrera l’ovule qu’il contenait, c’est l’évènement qui marque l’entrée dans la phase suivante.Au cours de la phase ovulatoire, une hormone appelée “hormone lutéinisante” (LH) augmente peu à peu. Son but est de stimuler le follicule dominant afin qu’il traverse la paroi ovarienne et que l’ovule puisse être libéré. Cette phase dure entre 16 et 32 heures.Lorsque l’on fait un test d’ovulation, c’est l’hormone lutéinisante qui va être recherchée dans l’urine.Une fois que l’ovule est libéré, il peut être fécondé pendant 12 heures.Attention cependant, les spermatozoïdes peuvent survivre pendant 3 à 5 jours. S’ils sont déjà présents dans le corps au moment de la libération de l’ovule, ils peuvent tout de même le féconder. C’est pour cette raison qu’il est considéré qu’une grossesse peut survenir pendant six jours par cycle : cinq jours avant l’ovulation + un jour après l’ovulation.Durant la phase lutéale, la progestérone et l’œstrogène provoquent l’épaississement de la muqueuse utérine en prévision d’une potentielle fécondation, tout en la remplissant de liquides et de substances nutritives afin de nourrir l’embryon qui pourrait se nider. Les seins, eux aussi, peuvent grossir suite au pic d’œstrogène : les canaux lactifères sont dilatés afin de préparer l’arrivée d’un potentiel enfant.Le but de la progestérone est également de préparer l’utérus dans l’éventualité où un embryon viendrait s’y implanter ; mais aussi d’épaissir la glaire cervicale afin de limiter le plus possible le passage de spermatozoïdes et des bactéries dans l’utérus.Le follicule dominant qui s’était rompu afin de permettre un accès aux spermatozoïdes vers l’ovule se referme.Les hormones interagissent donc différemment en fonction de l’étape du cycle.Si on s’intéresse maintenant au désir sexuel, la communauté scientifique considère qu’il est composé de trois éléments principaux :

  • une composante biologique
  • une composante neuroendocrinienne (donc liée au système endocrinien qui permet la sécrétion des hormones dans le corps)
  • une composante neuroaffective

Les hormones jouent donc un rôle important dans la création du désir sexuel. Il y en a quatre en particulier qui interviennent dans ce cas :

  • la dopamine : autrement appelée “hormone du bonheur”
  • la prolactine : hormone permettant la production de lait maternel
  • l’ocytocine : surnommée “hormone de l’amour”, elle peut intervenir dans les comportements affectueux et les interactions non sexuelles ; mais elle est aussi sécrétée durant les rapports sexuels au moment de l’orgasme
  • l’œstrogène : hormone sexuelle féminine

La prolactine a un effet de diminution du désir sexuel et de la lubrification vaginale. La dopamine, elle, ne joue pas nécessairement directement sur le désir sexuel mais elle permet de freiner la sécrétion de prolactine. Il a par ailleurs été établi par la communauté scientifique que les phases de désir sexuel les plus basses chez les individus concordent avec les phases où les taux de dopamine sont au plus bas chez ces mêmes individus.L’ocytocine, est en partie reléguée vers le cerveau grâce à des capteurs notamment situés dans des zones érogènes (les mamelons et les parois musculaires utérines). La stimulation de ces zones au moment d’un rapport sexuel, d’un massage, ou un contact physique tendre permet donc d’envoyer de l’ocytocine au cerveau. Il a été scientifiquement prouvé par plusieurs études que l’ocytocine libérée au cours d’un rapport sexuel augmenterait la motivation à l’activité sexuelle et le sentiment de récompense suscité par cette dernière. L’ocytocine libérée dans ces moments de tendresse participe également à une diminution de l’anxiété.L’œstrogène participe directement à la modération du désir sexuel, c’est pourquoi la plupart des personnes connaissent un pic de leur désir sexuel au moment de l’ovulation (qui est la période où le taux d’œstrogène est le plus fort). C’est cette hormone qui participe grandement à la lubrification et donc à l’élasticité du vagin.On peut donc considérer qu’il y a un lien entre les variations hormonales et le cycle menstruel et que cela impacte donc le désir sexuel. En suivant cette logique, c’est au moment de l’ovulation que l’œstrogène est à son paroxysme et donc que son influence sur le désir sexuel sera la plus forte ; et c’est après la phase ovulatoire que son taux sera le plus faible et que son influence sera moindre.Il est cependant important de rappeler qu’il ne s’agit pas du seul élément ayant une incidence sur le désir sexuel et que ce dernier peut varier en fonction d’une multitude d’autres données.

Les douleurs menstruelles affectent-elles ma libido ?

Il est difficile de faire des généralités lorsqu’il s’agit des symptômes prémenstruels ou des douleurs menstruelles. En effet, il en va différemment en fonction des personnes.Il n’y a pas de réel lien entre les douleurs menstruelles et une baisse du désir sexuel. En revanche, il est indéniable que le fait de ressentir de la douleur peut rendre difficile la montée du désir sexuel chez certaines personnes. Le cerveau peut avoir tendance à se focaliser sur la douleur et éluder le reste ; le corps se fixe comme priorité d’éliminer la souffrance et le reste est relégué au second plan.Elsa Dubroca, sexothérapeute, évoque le fait que la sexualité peut avoir un effet très positif sur la douleur. Les différentes hormones libérées durant un rapport permettent de diminuer l’anxiété, tout en favorisant la détente corporelle via le relâchement musculaire. De plus, l’endorphine qui est sécrétée au cours du coït est un analgésique naturel du corps, c'est-à-dire que la sensibilité à la douleur est diminuée.Selon une étude OnePoll pour INTIMINA, la plupart des personnes interrogées ont déclaré avoir remarqué que ****faire l'amour pendant pendant les menstruations avait des bienfaits ****tels que :

  • des orgasmes plus forts (62%) qui peuvent agir comme un calmant naturel sur des crampes menstruelles (69%)
  • la réduction de la durée du cycle menstruel (61%)
  • l'augmentation de la libido (40%), en raison de la croissance des œstrogènes et du faible niveau de progestérone.

En ce qui concerne les hormones, le taux d’œstrogène (qui est la principale hormone sexuelle féminine) atteint son pic au moment de l’ovulation et chute drastiquement pendant les règles.Cela peut donc expliquer pourquoi, dans certains cas, il y a une différence de désir sexuel entre ces deux phases du cycle menstruel.Cependant, l’œstrogène n’est pas la seule composante du désir sexuel. Il est donc tout à fait possible de le travailler même lorsque le taux d’œstrogène dans le corps est bas.

Le SPM

Morgane, patiente au cabinet, nous rapporte qu’elle a régulièrement des journées difficiles avant l’arrivée de ses règles : “J’ai systématiquement la peau grasse, des boutons, une faim de loup et des crampes dans le ventre. Qu’est-ce que je peux faire ?”Le SPM c’est le syndrome prémenstruel.Il est encore peu connu, il y a peu d’études qui lui ont été consacrées mais il est défini comme l’ensemble des désagréments rencontrés entre 7 et 10 jours avant les règles. Les gênes occasionnées peuvent être physiques ou psychologiques. Les plus communément recensées sont les suivantes :

  • ballonnements
  • troubles de la digestion
  • maux de ventre, crampes
  • acné
  • migraines
  • fatigue
  • changements d’humeur
  • irritabilité
  • anxiété
  • dépression
  • insomnie
  • jambes lourdes
  • seins sensibles, voir douloureux

Afin de vous aider à identifier si vos symptômes font partie du syndrome prémenstruel, il peut être intéressant pour vous de tenir un journal de bord avec les dates et symptômes constatés de manière à vous rendre compte de la récurrence de ces signaux ainsi que du moment de leur apparition.Il existe également des applications permettant de suivre votre cycle et de prendre des notes.Pour l’instant, il n’existe pas de traitement contre le SPM. Cependant, vous avez la possibilité de vous occuper de chaque symptôme.En ce qui concerne votre ventre, adapter votre régime alimentaire et prendre des compléments peut s’avérer être une bonne manière de soulager vos maux.Par ailleurs, les maux de tête, la fatigue, l’anxiété… peuvent s’expliquer par le fait que votre température corporelle change au cours de votre cycle. Elle augmente une fois la phase d’ovulation terminée et cela a pour conséquence de perturber la sécrétion de mélatonine (qui est l’hormone du sommeil). Cette dernière est sécrétée plus tard le soir, et s’arrête plus tôt le matin. Le sommeil est donc souvent moins qualitatif et moins réparateur ce qui peut fortement influencer l’humeur. N’hésitez donc pas à compenser cette baisse de mélatonine en la prenant en complément.D’autre part, avec les menstruations, le corps a tendance à manquer de fer, de zinc, de magnésium et de vitamine B (c’est pourquoi il est souvent déconseillé de faire des dons du sang lorsque vous avez vos règles). Ces carences peuvent aussi être source de fatigue.Il existe des compléments alimentaires ayant pour but de parer toutes les carences des menstruations ou du SPM. La naturopathie peut également être une alternative intéressante.

Est-ce que la prise de contraceptifs hormonaux impacte la libido ?

Leila, patiente au cabinet, s’interroge sur le lien potentiel qu’il pourrait y avoir entre sa pilule et la baisse de désir qu’elle ressent : “Avant j’avais souvent envie de faire l’amour. Ça fait quelques mois que j’ai commencé une nouvelle pilule et j’ai beaucoup moins envie. C’est lié ?”C’est une question aux réponses très controversées.Pour l’instant, les recherches, les études, les médecins et les laboratoires ne sont pas tous d’accord sur le sujet.Nous allons donc vous donner des informations mais il est important que vous gardiez en tête que le débat n’est pas arrêté et que les informations diffèrent d’une étude à une autre.Si vous avez déjà lu le reste de cet article, vous savez que le désir sexuel se compose de différents éléments :

  • le biologique
  • le psychique
  • les hormones

Les contraceptions hormonales n’influent pas nécessairement sur ces trois pans.En revanche, comme leur nom l’indique, elles ont une incidence sur les hormones.Certains contraceptifs hormonaux agissent en supprimant l’ovulation. Or, on sait que c’est au cours de cette phase que l’œstrogène atteint son taux le plus élevé et qu’il s’agit d’une hormone impactant le désir sexuel.Ceci étant dit, la plupart des contraceptifs hormonaux contiennent de l’œstrogène (mais pas tous).Une étude de 2013 a souligné le fait que “les personnes utilisant une pilule avec la plus petite dose d'œstrogène disponible (15 microgrammes) ont déclaré connaître une baisse de leur libido, tandis que les personnes utilisant des pilules avec des doses plus élevées d'œstrogène ont déclaré pour la plupart ne pas ressentir de changement, voire même une hausse de leur libido.”D’autre part, la majorité des contraceptions hormonales diminuent le taux de testostérone dans l’organisme. Le lien entre la testostérone et le désir sexuel n’est pas encore tout à fait maîtrisé par la communauté scientifique mais il est supposé qu’une baisse de la testostérone pourrait avoir pour effet la diminution du désir sexuel.Lors de votre rendez-vous avec votre médecin ou votre gynécologue, n’hésitez pas à lui poser ces questions.Cependant, cet aspect n’est pas le seul qui devrait être pris en compte lors d’un choix de contraception. Il y a une multitude de critères qui peuvent entrer dans l’équation. Par exemple, une pilule peut éventuellement avoir une conséquence négative sur le désir (qui peut être stimulé par d’autre biais), et à contrario améliorer votre capacité à atteindre l’orgasme. Si vous souffrez de douleurs prémenstruelles ou menstruelles chroniques et que votre contraceptif vous permet d’atténuer ce symptôme, peut-être est-ce la priorité ?

Y a-t-il des moyens de booster sa libido en fonction des phases du cycle ?

Il n’existe pas de recette miracle permettant de booster son désir sexuel.En revanche, nous ne saurions que trop vous recommander d’avoir une alimentation saine, de ne pas consommer trop d'alcool, de limiter votre consommation de tabac, de faire du sport et de bien dormir. Ces facteurs ont un impact non négligeable sur votre qualité de vie, sur votre disponibilité et donc sur votre santé sexuelle de manière générale.

Dois-je consulter un professionnel de la santé concernant mes fluctuations de libido en fonction de mon cycle ?

Il n’y a aucune nécessité de consulter un professionnel de santé concernant vos variations de désir sexuel en fonction de votre cycle menstruel.Si vous connaissez une réelle baisse de désir, effectivement vous pouvez en parler avec un médecin ou un gynécologue. Dans le cas où vous prenez une méthode contraceptive, vous pourrez voir ensemble s’il est intéressant pour vous d’en changer ou non.Si vous avez des questions à propos de votre désir sexuel et de l’impact de votre cycle, vous pouvez vous tourner vers un sexologue ou un sexothérapeute qui vous apportera des réponses et pourra éventuellement vous aider à trouver des solutions adaptées à votre situation.

Sourceshttps://care.nabla.com/blog/hormones-desir-libido/https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/troubles-hormonaux-et-métaboliques/biologie-du-système-hormonal/troubles-endocrinienshttps://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique1-2013-2-page-255.htmhttps://helloclue.com/fr/articles/contraception/contraception-et-libido#:~:text=Une idée reçue sur la,nuit pas à la libido.

Elsa Dubroca
,
Sexothérapeute

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