Soigner les troubles anxieux grâce aux thérapies cognitives et comportementales

Marguerite Larmanou
,
Psychologue
,
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4/9/2024
|
13 min
Santé mentale

Qu’est ce que sont les troubles anxieux ?

L’anxiété fait partie de nos vies, comme la tristesse, la joie ou encore la honte. Mais il arrive parfois dans nos vies, que certaines des émotions plutôt désagréables prennent plus de place et c’est là qu’il devient important de les faire parler et de les écouter.

Concernant l’anxiété, on peut parler d’un trouble anxieux lorsque cette émotion survient à des moments inappropriés, fréquemment et est si intense et dure si longtemps qu’elle perturbe les activités normales d’une personne (c’est-à-dire qu’elle entraîne un comportement inadapté).

Elle peut prendre plusieurs formes, comme une anxiété généralisée, une anxiété sociale, des phobies spécifiques, un trouble panique (communément appelées crises d’angoisses), agoraphobie, trouble obsessionnel compulsif, stress post-traumatique, etc. Si vous ressentez de l’anxiété et que celle-ci finit par vous perturber au quotidien, elle peut être prise en charge par des séances avec un.e psychologue.

Que peuvent faire les thérapies cognitivo-comportementales face aux troubles anxieux ?

Les thérapies cognitivo-comportementales ont fait leur preuve et sont très utiles pour lutter contre l’anxiété. La communauté scientifique recommande leur utilisation dans de nombreuses situations cliniques et notamment dans la prise en charge des troubles anxieux. C’est-à-dire notamment pour les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), l'anxiété sociale, les phobies, le trouble anxieux généralisé (TAG), l’agoraphobie et le trouble panique…

La Haute Autorité de Santé (HAS) montre par exemple que dans le cas de la prise en charge du trouble anxieux généralisé (TAG), les thérapies cognitivo-comportementales structurées ont un effet thérapeutique significatif qui se maintient à 6 mois et jusqu’à 2 ans de suivi. Elles sont considérées comme aussi efficaces que les traitements médicamenteux.

Globalement, comment fonctionnent les TCC dans le cas des troubles anxieux ?

De manière générale, les thérapies cognitivo-comportementales visent à remplacer des idées négatives et des comportements inadaptés par des pensées et des réactions adaptées et conformes aux besoins du patient. En effet, nos croyances et pensées peuvent influencer nos émotions et nos comportements.

Dans le cas d’une personne souffrant d’un trouble anxieux, voilà ce qui peut se passer :

  • les ressentis d’angoisse chez le patient sont physiques et très désagréables et sont craintes par ce dernier : étouffement, palpitation, perte de conscience… Et de nombreuses situations déclenchent ces sensations, mêmes anodines
  • ces sensations physiques sont pour le patient associées à l’angoisse : s’il les ressent, l’angoisse monte

Ainsi, de nombreux moments du quotidien vont créer ces sensations désagréables et créer de l'angoisse, qui est donc généralisée. Et l’angoisse elle-même peut déclencher les sensations physiques. C’est donc un cercle vicieux qui existe !

Le psychologue ou psychiatre spécialisé en TCC va donc avoir comme objectif d’annuler ce chaînage en habituant notamment la personne à ces ressentis corporels, le but étant de décorréler l’angoisse des sensations physiques.

La TCC va aussi permettre de s’intéresser aux pensées automatiques du patient qui naissent dans certaines situations et alimentent le cercle vicieux. Le spécialiste va aider le patient à prendre de la distance de ces pensées.

Exemple d’un suivi via les thérapies cognitivo-comportementales d’un.e patient.e souffrant d’un trouble anxieux

Comme expliqué plus haut, les TCC se centrent sur 3 processus interagissant entre eux. Les comportements, les cognitions et les émotions/sensations ressenties dans un contexte particulier. C’est donc sur ces trois facteurs que les prises en charge ont tendance à se concentrer, et toujours en fonction des besoins du ou de la patient.e.

Pour le trouble anxieux voici quelques exemple de prise en charge :

  • Techniques centrées sur les émotions/sensations : la relaxation
  • Vise à diminuer l’intensité des réactions physiologiques d’angoisse (palpitations, augmentation de la fréquence respiratoire, tensions musculaires).
  • Des exercices de relaxation sont recommandés pour réduire ces réponses physiologiques associées à l’angoisse comme des exercices de cohérence cardiaque par exemple.
  • Exposition Comportementale
  • Exposition In Vivo

L'exposition in vivo implique que le patient confronte directement ses peurs dans des situations réelles. Cette technique est particulièrement utile pour réduire les comportements d'évitement. Le thérapeute et le patient élaborent ensemble une hiérarchie d'exposition, allant des situations les moins anxiogènes aux plus anxiogènes.

Par exemple, si une personne ressent le besoin de vérifier l'état de son ami par des messages répétés, en raison de l'incertitude liée à un éventuel accident sur le chemin du retour, il est possible de lui suggérer d'attendre un certain temps avant d'envoyer un message. L'idée serait de réduire progressivement le nombre de messages envoyés jusqu'à ne plus en envoyer du tout. Ainsi, l'exposition à l'incertitude se fait de manière progressive.

Autre exemple :  aller dans des lieux inconnus, tester de nouvelles expériences (vestimentaires, alimentaires)...

Exposition Imaginée

Pour des situations qui ne peuvent pas être facilement recréées dans la réalité, l'exposition imaginée peut être utilisée. Le patient imagine de manière détaillée les situations anxiogènes, ce qui permet de réduire progressivement l'anxiété associée à ces situations.

Techniques Cognitives

Les techniques cognitives se focalisent sur deux aspects principaux du traitement de l'anxiété généralisée : l'évaluation des pensées et la modification des comportements. Voici quelques approches possibles à mises en place.

  1. Traitement des informations

Le tableau à trois colonnes : cette méthode consiste à utiliser un tableau avec trois colonnes intitulées "Situation", "Émotion" et "Pensées".

L'objectif principal est de repérer les cognitions associées à des situations problématiques et de détecter les distorsions cognitives ou erreurs de logique telles que l'inférence arbitraire, la maximalisation/minimisation, la généralisation et la personnalisation.

Exemple :

  • Situation : Mon mari est en retard.
  • Émotion : Angoisse.
  • Pensées : S'il est en retard c'est qu'il a eu un accident de voiture (conclusion sans preuve).

  1. Recherche de pensées alternatives

Il est crucial de ne pas s'appuyer uniquement sur l'identification des pensées, mais de chercher activement des pensées alternatives et de les évaluer avec des arguments pour et contre. Un deuxième tableau peut être utilisé pour noter ces arguments.

Exemple :

  • Pensée initiale : S'il est en retard c'est qu'il a eu un accident de voiture.
  • Arguments pour : Cela peut arriver.
  • Arguments contre : C’est un bon conducteur, la police m’aurait déjà contactée, il est peut-être retenu au travail, etc.

  1. Processus cognitifs spécifiques ( Dugas, 1996, 2003 ; Ladouceur, 2000 ; Leblanc, 2006)

Développée au Canada, cette approche se base sur quatre processus cognitifs :

  • Intolérance à l'incertitude: La personne est aidée à reconsidérer sa tolérance à l'incertitude, ce qui implique de modifier ses comportements comme tout vouloir faire soi-même ou remettre des décisions à plus tard.
  • Surestimation de l'utilité de s'inquiéter: La personne apprend à différencier les problèmes actuels des situations hypothétiques, notant ses inquiétudes et les classifiant en conséquence.
  • Difficulté de résolution de problème: Utilise une stratégie structurée pour analyser une situation, déterminer des solutions et prendre des décisions impliquant des modifications comportementales.
  • Évitement cognitif: Travailler sur l'évitement des pensées anxiogènes en les affrontant directement (par les techniques d’exposition comportementales).

  1. Prise en charge en thérapie cognitive

Ce travail aide la personne à se rendre compte qu'il n'y a pas toujours une seule possibilité à un problème donné et qu'un scénario catastrophe peut être évité en analysant rationnellement les arguments pour et contre.

Exemple de résolution de conflit :

  • Problème : conflit avec une collaboratrice.
  • Objectif : rétablir une situation correcte.
  • Solutions : définir spécifiquement le problème, déterminer les solutions possibles, choisir la solution qui semble la plus appropriée.

  1. Techniques Cognitives Spécifiques

Pour approfondir les techniques cognitives, voici d'autres méthodes souvent utilisées en TCC pour traiter le trouble anxieux généralisé.

Restructuration Cognitive

La restructuration cognitive est une technique fondamentale en TCC qui vise à identifier et modifier les pensées irrationnelles ou négatives. Elle se déroule en plusieurs étapes :

  1. Identification des pensées automatiques négatives : Le thérapeute aide le patient à identifier les pensées automatiques qui surviennent dans des situations anxiogènes.
  1. Questionnement Socratique :
  • Utilisation de questions ouvertes pour explorer et examiner les pensées automatiques. Par exemple :
  • Quelles preuves ai-je pour cette pensée ?
  • Quelles preuves ai-je contre cette pensée ?
  • Y a-t-il une autre façon de voir la situation ?
  1. Génération de pensées alternatives : Encourager le patient à formuler des pensées alternatives plus réalistes et équilibrées.
  1. Test des pensées alternatives :
  • Utilisation de la méthode de la « flèche descendante » pour approfondir les croyances sous-jacentes et tester la validité des nouvelles pensées à travers des expériences comportementales.
  • Journal de Pensées

Un journal de pensées est un outil où le patient note les situations anxiogènes, les pensées automatiques, les émotions ressenties et les réponses alternatives. Ce processus aide à mieux comprendre les schémas de pensée et à travailler activement sur leur modification.

Désensibilisation Systématique

Cette technique combine l'exposition progressive à des situations anxiogènes avec des techniques de relaxation. Le patient est graduellement exposé à ses peurs, en commençant par les moins stressantes et en progressant vers les plus stressantes, tout en utilisant des méthodes de relaxation pour gérer l'anxiété.

Autres Techniques de Gestion de l'Anxiété :

  • Pleine Conscience (Mindfulness)

La pleine conscience implique de porter attention de manière intentionnelle et sans jugement au moment présent. Les techniques de pleine conscience peuvent aider à réduire l'angoisse en encourageant une acceptation non critique des pensées et des sensations.

  • Thérapie d'Acceptation et d'Engagement (ACT) : faisant partie de la troisième vague théorique des TCC

L'ACT se concentre sur l'acceptation des pensées et des émotions plutôt que de les combattre, et sur l'engagement dans des actions alignées avec les valeurs personnelles. Cette approche aide les patients à vivre une vie riche et significative malgré la présence d'inconforts psychologiques.

Voici les composants principaux de cette thérapie :

Acceptation : Encourager les patients à accepter leurs pensées et émotions indésirables plutôt que de dépenser de l'énergie à les éviter ou les contrôler. Cela inclut l'enseignement de techniques de pleine conscience pour observer leurs expériences internes avec curiosité et sans jugement.

Défusion cognitive : Aider les patients à modifier leur relation avec leurs pensées en les voyant comme de simples événements mentaux plutôt que des vérités absolues. Des techniques comme le déplacement de la focalisation ou l'étiquetage des pensées sont utilisées.

Contact avec le moment présent : Cultiver une attention consciente à l’expérience actuelle, favorisant une pleine conscience et une réduction de l'attention excessive portée au passé ou au futur.

Clarification des valeurs : Aider les patients à identifier ce qui est vraiment important pour eux, leurs valeurs, afin qu'ils puissent diriger leur vie en fonction de celles-ci malgré les souffrances ou les peurs.

Engagement à l'action : Encourager les patients à prendre des actions concrètes et alignées avec leurs valeurs, même face à l’inconfort émotionnel. Les patients apprennent à définir des objectifs réalistes et significatifs et à persévérer dans leurs efforts pour les atteindre.

Soins de soi et flexibilité psychologique : Favoriser une mentalité ouverte et adaptative pour naviguer les hauts et les bas de la vie tout en tenant compte du bien-être général du patient.

L'un des objectifs ultimes de l'ACT est d'accroître la flexibilité psychologique, c’est-à-dire la capacité de rester en contact avec l'instant présent et de changer ou persister en comportements en fonction des valeurs personnelles. Ces composantes permettent aux patients de cesser de lutter contre l'inévitable douleur psychologique, mais plutôt d'engager une vie riche en sens et valeurs, malgré les difficultés émotionnelles.

Source : Aide-mémoire : thérapies comportementales et cognitives en 37 notions. Stéphane Rusinek (Auteur), Benoît Monie (Auteur), Frédéric Chapelle (Auteur), Rollon Poinsot (Auteur), Marc Willard (Auteur).

Marguerite Larmanou
,
Psychologue

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